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CAUSERIE

On va donc enfin simplifier l'orthographe! Le ministre de l'instruction publique a posé les premiers jalons de cette réforme dans sa circulaire aux recteurs.

Cette simplification s'impose dans une langue hérissée de difficultés de toute nature : « l'orthographe française, a dit un éminent philosophe, a une réputation redoutable et méritée. Il y a peu de gloire à la connaître et beaucoup de honte à l'ignorer. La moindre faute démérite son auteur, et ne pas savoir l'orthographe est une ignorance et un ridicule. »

Le nombre n'est pas grand pourtant des gens qui n'hésitent pas fréquemment sur la manière d'écrire tel ou tel mot. Marie, le philosophe, déposa un jour cinq cents francs chez son notaire en annonçant qu'il tenait cette somme à la disposition de celui qui écrirait sans faute une dictée de vingt lignes.

Le ministre de l'instruction a bien compris que si bien peu de grandes personnes seraient en mesure de subir victorieusement cette épreuve, à plus forte raison les écoliers sont-ils exposés à se tromper. C'est pourquoi il a prescrit la plus large tolérance aux examens de concours.

Le drame de Chantelle qui a tant occupé les esprits, laisse en général l'impression que Mme Achet avait un complice ; mais il est évident que cette complicité n'a été établie en aucune mesure.

Il est un autre point de cette affaire qui paraît devoir rester mystérieux. On ne saura probablement jamais si Mme Achet a tué le notaire de Chantelle pour se défendre contre ses trop galantes entreprises. J'ai entendu dire plusieurs fois, au cours de ce procès, qu'on avait peine à se représenter, en pareil cas, une femme outragée poursuivant obstinément son agresseur à coups de revolver. On ajoutait que l'assassinat avait dû être commis par le complice anonyme.

Rien n'est moins sûr.

Il y a des précédents fameux. Il suffira de rappeler celui de Mme Francey , abattant à coup de feu l'architecte Brisebard, qui avait prétendu la prendre de vive force. Mme Francey tira six balles en poursuivant Brisebard sur un espace de deux cents mètres . - Vous l'avez tué ! lui dit un témoin de la scène sanglante. - Je l'espère bien, répondit-elle.

C'est Me Démange qui défendit Mme de Francey, la Lucrèce bourguignonne, et il obtint en sa faveur un acquittement prononcé au milieu d'une enthousiaste acclamation.

Cet avocat a été moins heureux à Moulins qu'à Auxerre, surtout parce qu'une question d'argent, au demeurant des plus louches, se mêlait au drame ténébreux.

Mais on ne saurait faire aucune difficulté à admettre que Mme Achet a pu poursuivre la victime à coups de revolver et même qu'elle a pu s'exalter de plus en plus à mesure qu'elle multipliait les coups de feu.

Elle n'a rien d'une femmelette.

Vous êtes vous demandé quelle doit être en pareille circonstance la situation d'un complice que la justice ne parvient pas à découvrir ? Par quelles angoisses il doit passer pendant l'instruction et pendant les débats du procès!

Il se sent à chaque instant frôlé pour ainsi dire par le juge d'instruction qui passe et repasse à côté de lui sans l'apercevoir... Il est à la merci d'une imprudence de l'accusé moralement torturé pendant les interrogatoires. Un mot, une allusion irréfléchie, un indice tout à coup retrouvé peuvent le dénoncer et le perdre . Il ne dort plus que d'un oeil; la silhouette du gendarme le poursuit, l'obsède, et comme le brigand d'Offenbach, lui aussi il entend un bruit de bottes! de bottes! de bottes!

Ils sont comme cela un certain nombre, de part le monde, qui après avoir versé le sang, ont échappé complètement à la justice. Je dis complètement, parce qu'il en est comme Walder, l'assassin du pharmacien Lagrange et de sa servante, dont on connaît au moins le nom; tandis qu'on ne sait rien absolument de l'assassin de M. Barrême, ni de celui de la fille Maria Fellerath, égorgée à l'aide d'un couteau, japonais qui fut retrouvé près du cadavre ; ni de vingt autres criminels qui ont réussi à échapper au châtiment et que nous croisons peut-être dans la rue quand ils passent d'un pas égal et tranquille, comme des gens à la conscience reposée et sans reproche.

Une jolie petite scène lyonnaise croquée à la volée sur le quai de la gare de Vaise. Le train de Paris va partir. Un jeune couple échange des adieux câlins devant la portière ouverte d'un compartiment de première classe. - Surtout, dit la gentille petite femme, n'oublie pas que tu m'as promis de ne pas me faire d'infidélité. - Sois donc tranquille, ma chérie..., répond le voyageur. Je crois bien que je n'oublierai pas ! Et d'ailleurs, tiens, regarde... Il tire son mouchoir de sa poche et d'un air pénétré, il y fait un noeud!

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